Homélie du 2 novembre 2008



[ Sagesse 3, 1-8 ] ; [ Psaume 26 ] ; [ Romain 8, 35-39 ] ; [ Luc 12, 35-40 ].

Hier, nous fêtions la Toussaint, aujourd'hui c'est le jour des défunts. Ce sont des journées propices aux retours en arrière, nous faisons mémoire de ceux qui nous ont quittés, il y a peu, de ceux qui nous ont quittés il y a plus longtemps, de ceux que nous n'avons pas connu, mais qui font partis de nos racines familiales. Nous portons leur nom, leur vie, nous transmettons aux plus jeunes notre histoire qui est aussi la leur.

Sans cette histoire, sans ces racines, que serait leur avenir ? Comment écrire une vie, si le passé n'est fait que de pages blanches ? Ceux qui n'ont pas d'histoire, s'en invente une, ceux qui n'ont pas de racines s'accroche tant bien que mal à ceux qui en ont, au moins le temps pour qu'eux mêmes forge cette histoire sur laquelle s'appuiront leur propres enfants.

Ces jours sont propices à une certaine nostalgie.

Notre regard se porte sur un passé qui se nimbe d'une lumière parfois chaleureuse, parfois douloureuse, mais jamais totalement réelle. Notre vie est passé par là, et à, bien souvent, sans même que l'on s'en aperçoive, réécrit ce qui a fait ces jours passé.

La tentation pourrait être grande, de nous arrêter au cœur de cet album photo au ton sépia. Hier était meilleur, ou pour citer Guy Beart, « l'avenir c'était plus beau hier, l'avenir aujourd'hui... ».



S'arrêter aujourd'hui à la page d'hier... Curieux paradoxe temporel... Curieuse façon d'entrer dans cette attente active, inventive, joyeuse, dont nous parle le Christ !

Paul nous dis que rien ne peut nous séparer de l'amour du Christ... Le Christ c'est certain ne nous retirera jamais son Amour, il nous aimes, tel que nous sommes, faibles, pouilleux, mauvais, fragile, sans foi ni loi, il nous aimes comme jamais personne n'a aimé, et cet amour et réellement indéfectible.

Mais nous, qui aimons-nous ? Qu'est-ce qui peut nous détourner de cette attente ? la détresse ? l’angoisse ? la persécution ? la faim ? le dénuement ? le danger ? le supplice ? la mort ? la vie ? les esprits ? les puissances ? le présent ou l'avenir ? les astres, les cieux ? les abîmes ou encore d'autre créature ?

Peut-être un peu de tout cela, peut-être rien de tout cela... Nous sommes sans doute plus vigilant sur ce qui nous paraît être digne de crainte, face à l'adversité nous nous armons de courage, notre foi chevillée à l'âme...

Mais le Christ ne nous parle pas de ce combat dans la parabole du maître qui revient de noce...



Il nous parle de cette attente qui peut devenir longue et ennuyeuse si l'on n'y prend pas garde.

Le Maître est parti pour de longs jours, il ne s'agit pas de quelques heures. Il est parti, mais en même temps il est toujours là. Il va revenir, c'est une certitude.

Alors les serviteurs s'occupent de la maison. Ils la font vivre. Ils ne l'entretiennent pas comme un musée, ils sont vivant dans une demeure vivante : les enfants grandissent, les cultures poussent, des décisions sont à prendre, des changements sont sans doute à faire, l'absence du maître ne condamne pas cette maisonnée à se transformer en château de la belle au bois dormant, elle ne doit pas se figer dans un passé endormie et poussiéreux ... Rappelons-nous la parabole des talents, le roi n'attends pas de ses serviteurs qu'ils conservent leurs talents bien au chaud dans un linge fût-il sacré, ce roi intransigeant veut voir fructifier ce qu'il a confié. Fructifier, c'est à dire porter du fruit, c'est à dire vivre !

Jésus nous appelle à une attente vigilante, faites d'amour et de fidélité.

Ce n'est pas au dernier moment qu'il faudra nous réveiller pour accueillir celui qui doit venir, ce n'est pas au dernier instant, saisi par la panique, dans l'agitation, la peur, qu'il faudra tenter de redonner vie à ce qui nous a été confié. On ne revivifie pas ce que nous avons fait dépérir. Dans l'arbre mort, on ne peut qu'accrocher des fleurs de papiers, et aussi belles qu'elles puissent être, elle ne sont pas la vie...

Une attente vigilante, de tous les instants. Le Christ ne nous demande pas des exploits de super héros, il nous demande simplement de vivre, au rythme de notre monde : à un notaire qui voulait tout abandonner pour parcourir les routes en annonçant l'Évangile, Marthe Robin répondait : « Dieu n'attends pas de vous de tels exploits, il vous demande simplement d'être un notaire honnête ».

Sommes-nous prêts à tant de simplicité, d'humilité ? Le royaume des cieux appartiens à ceux qui ressemble aux enfants : confiants, vivants, parfois turbulents, parfois iconoclaste, mais tellement vivants et tellement confiant...

Une attente vigilante faites d'amour et de fidélité...

Qui dit amour, dit vie : l'amour ne se satisfait pas de la stagnation, il ne se satisfait pas de la paresse des sentiments, il ne se satisfait pas de vagues déclarations de foi. L'amour est ardeur, l'amour est action, l'amour est prise de risque, l'amour est le présent, il l'avenir, l'amour est fidélité, pas la fidélité du servile du chien à son maître, pas une fidélité morbide, superstitieuse, mais une fidélité vivante et forte, une fidélité qui se vie chaque jour, malgré tout, malgré nos échecs, malgré nos fautes, malgré nos peurs. Une fidélité qui parce qu'elle est intimement lié à l'amour ne craint pas de se tourner vers les autres, ne craint pas de se frotter aux autres, à tous les autres. Je ne suis pas fidèle à la femme que j'ai épousé il y a 23 ans, je suis fidèle à la femme avec qui je vie aujourd'hui depuis 23 ans. Je ne suis pas fidèle à l'Église de mes pères, je suis fidèle à l'Église du Christ vivante aujourd'hui. Je ne suis pas fidèle au Jésus des images saintes, je suis fidèle au Christ vivant parmi nous maintenant.



Restons en tenue de service, gardons nos lampes allumées... Tenons-nous prêts pour le retour du maître car nul ne sait ni le jour ni l'heure.

Nous habitons une maison qui nous a été confié par le Christ pleine de vie et d'espoir, résonnant de cris d'enfants. Sachons la faire vivre, qu'elle porte du fruits celui de notre amour, cet amour donné par Dieu sans retenue, cet amour vivant et fort, cet amour qui demande sans cesse à être partagé gratuitement entre tous, pas seulement nous, invité aujourd'hui à la table du Christ, mais entre tous les hommes de bonnes volontés, d'ici ou d'ailleurs.